Propriétés : Intuition, création, stabilité, ouverture spirituelle et connexion cosmique
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Le geste de Matsya
Il était une fin des temps,
Un crépuscule du monde.
Le Dharma, lentement, frissonnait,
Et l’ombre gagnait les cœurs des hommes.
Vishnu, le Gardien, l’œil sur les trois mondes,
Vit l’océan du chaos monter.
Il fallait laver la souillure,
Et renaître du sein des eaux.
Sur les rives pures d’une rivière,
Se tenait Manu, roi juste aux mains innocentes.
Il puisa l’onde claire en coupe de ses paumes,
Et vit frétiller un petit poisson d’argent,
Fragile éclat de vie dans le creux de son être.
Une voix menue chuchota :
« Ô toi, le sans-peur, protège-moi !
Les grands dévorent les petits en cet abîme.
Je ne suis rien, mais sauve ce rien. »
Le roi, l’âme emplie de pitié,
Prit le frêle corps dans un vase d’argile.
Mais l’enfant des eaux grandit,
Dépassa le vase, le bassin, le lac immense.
Devant l’océan qui roule ses vagues furieuses,
Se dressa la Forme, immense et majestueuse :
Un Poisson colossal, écaille d’or et de lumière,
Dont la crête portait une corne de lune,
Et dont l’œil était un soleil dans l’abysse.
« Manu ! Écoute la parole qui sauve.
Je suis Celui qui Veille, venu en poisson.
Le grand Déluge va tout reprendre,
L’onde va tout laver, tout rompre, tout dissoudre.
Toi, le dernier bastion de la vertu,
Bâtis l’Arche unique, vaste et close.
Prends-y les Sages aux fronts constellés,
Gardiens du savoir et du feu sacré.
Prends-y la semence de toute vie qui germe,
Le mâle et la femelle de chaque bête des bois.
Surtout, prends-y les Védas, livres de l’âme du monde,
Sans eux, l’homme nouveau sera aveugle et sans loi.
Quand le tonnerre gronderas sans fin,
Et que la nuit avalera le dernier mont,
Je reviendrai. Attache ton bateau de bois
À ma corne, avec le serpent Vasuki pour corde.
Je serai ton pilote dans la nuit liquide,
Ton phare au cœur de l’obscurité. »
Le roi obéit. L’orage vint.
Les cieux se déchirèrent, les fleuves explosèrent,
La mer hurla et monta à l’assaut des cimes.
L’Arche, îlot de vie, dansa sur le chaos.
Et Il vint.
Fendant les flots noirs comme une comète dorée,
Offrant sa corne, ancre de salut absolu.
Le serpent-corde se lova, lien entre le divin et l’humain.
Et Matsya nagea.
Il tira l’espoir à travers les ténèbres humides,
Tira la mémoire à travers l’oubli sans rivage,
Tira la vie à travers la mort universelle.
Il enseigna, voix grave dans le rugissement des eaux,
Les lois éternelles à l’humanité future.
Puis vint l’aube.
Les eaux se calmèrent, apaisées.
L’Arche toucha la crête pure du Himavan,
La montagne-mère, premier sommet du monde nouveau.
Le Poisson regarda l’horizon naître.
Sa mission était achevée.
Il plongea, et dans un éclat de lumière,
Disparut dans les profondeurs,
Laissant derrière lui un monde lavé, silencieux, prêt à renaître.
Ainsi va la légende du Premier Sauvetage,
Où le plus petit appelle, et le plus grand répond,
Où un poisson fut dieu, où un roi fut graine,
Où la connaissance fut la cargaison la plus précieuse,
Et où l’espoir fut remorqué à travers le déluge,
Sur une corne de lumière.