Voyaient l’ombre gagner du terrain,
Où les démons, puissants, presque vainqueurs,
Menacaient le trône éclatant du ciel serein,
Ils allèrent trouver Vishnu, l’Omniprésent,
Celui qui veille au seuil des mondes.
« Ô Protecteur, comment retrouver la force immaculée ?
Comment obtenir l’Amrita, le nectar d’immortalité ? »
Vishnu parla, sa voix était le fond des océans :
« Barattez la mer de lait, la mer primordiale.
Prenez le mont Mandara comme baratton,
Prenez Vasuki, le roi-serpent, comme corde.
Enroulez-le autour de la montagne.
Dieux et démons, tirez ensemble en deux camps opposés.
Mais la montagne est lourde et va s’enfoncer,
Il faudra un pivot, un appui sans faille. »
Ainsi fut dit, ainsi fut tenté.
Dieux et asuras, unis dans ce fragile espoir,
Saisirent le serpent, tirèrent de toute leur rage,
Mais le grand mont, sans base, ploya, sombra dans l’onde.
Alors, du fond des eaux anciennes,
Une forme immense émergea, lente et certaine.
Une carapace, un dos plus vaste que le temps,
Une île vivante, stable et patiente.
C’était Kurma, la Tortue divine,
Avatar de Vishnu, fondation solitaire.
Elle offrit son dos dur comme le diamant
Pour caler le mont Mandara et sauver la terre.
Le baratt put alors commencer,
Le pivot sacré tenait l’axe du monde.
Dieux et démons, alternant effort et colère,
Firent tournoyer la montagne sur l’écaille profonde.
Des merveilles naquirent de la mer de lait :
Le poison mortel, que Shiva but pour tous,
La vache d’abondance, la lune, l’arbre à souhaits,
Et enfin, Dhanvantari, portant la coupe d’or – l’Amrita si doux.
Ainsi, par le sacrifice silencieux de Kurma,
Qui porta le poids des mondes sans un murmure,
La force fut rendue aux dieux, l’équilibre préservé,
Et la lumière put encore luire sur la nature.
Morale :
Le poème enseigne que la stabilité et le support patient (Kurma)
Sont aussi nécessaires que l'action forte (le baratt).
La plus grande œuvre demande parfois l'humilité
De devenir le fondement qui ne se voit pas.